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Au quartier ? En campagne ? Cérémonial ?

Ce classement a été choisi pour faciliter la présentation des batteries et sonneries. Il n’existait pas de différences à l’origine; par exemple, les sonneries dites « de quartier » ont commencé alors qu’il n’y avait pas de casernes !

Lorsque le roi convoquait « l’ost », les troupes (Ban, arrière-ban, bandes ou régiments étrangers) étaient logées chez l’habitant là où les forces se réunissaient avant de s’engager. Quand le roi n’en n’avait plus besoin, les troupes « se débandaient ». Mais il n’était pas toujours facile de se débarrasser des mercenaires étrangers qui avaient tendance à rester pour « piller » si la région était riche !

Les règlements stipulaient que, pour les unités à cheval, bêtes et hommes devaient être logés dans le même endroit qui devenait le « quartier » de tel ou tel régiment (doù le nom de « quartier » retenu pour certaines casernes).

troupe chez habitant("Ordonnance du roi, pour régler le service dans les places et dans les quartiers", 1768, Titre IV)

Il faudra donc des sonneries spécifiques pour réveiller puis appeler au service et enfin regrouper les unités autour de leurs drapeaux : La Générale, l’Assemblée, Au drapeau sont les premières entendues. Les règlements de l’époque précisent même le délai à prévoir entre ces sonneries pour ne pas perdre de temps entre réveil et début des manœuvres.

(Cf. Le service ordinaire et journalier de la cavalerie par le Lt-Cl Lecoq-Madeleine)

Ces sonneries n’ont rien à voir alors avec le cérémonial pour lequel elles sont utilisées aujourd’hui ! 

femmes de soldats

("Ordonnance du roi, pour régler le service dans les places et dans les quartiers", 1768)

Il n’y a pas d’organisation de la vie journalière; Les familles suivent les maris et pères soldats; chacun se débrouille pour les repas ou les soins en dehors du service (les femmes sont cantinières, lavandières etc., donc pas de sonnerie pour les repas par exemple). La plupart des batteries et sonneries ne sont prévues que pour la manœuvre !

Les premiers casernements réels ont vu le jour vers 1675 mais uniquement pour les « Gardes françaises », unité au service permanent du Roi. La sonnerie de rassemblement de cette garde a été écrite par Lully.

A la Révolution, la saisie des édifices religieux va permettre d’ «encaserner » des troupes de plus en plus nombreuses. Sous le 1er Empire, les troupes seront en déplacement quasi permanent et vivront le plus souvent dans des camps. La « diane »ou « le réveil au bivouac » les réveillera, la générale et l’assemblée les regrouperont. Le « ban » demandera le silence dans les rangs pour écouter les annonces et les ordres généraux. Ce n’est que sous Louis XVIII que de nouvelles casernes apparaissent un peu partout en France pour loger la Gendarmerie. Ce sont les départements qui en ont la charge, les construisent, les entretiennent et les louent à l’État ! Ces immeubles sont spécifiques car il est prévu d’y loger les sous-officiers et les familles. Les officiers se logent à leur frais chez l’habitant! 

Ce n’est qu’après 1870 que de véritables casernes seront construites. Pour la plupart se sont celles que nous voyons encore dans nos villes. Elles ont un « style » adapté à la région où elles sont construites mais elles se ressemblent car elles ont été « normalisées". Le plan général est le même partout : une cour entourée de bâtiments « logements » et tout autour des bâtiments annexes (cuisine, écuries ou hangars, poudrerie, infirmerie etc.).

Les normes de confort sont encore loin de nos critères et pourtant ce sera un progrès pour la plupart des appelés venant des campagnes. Si les cuisines et les « facilités » sont encore à l’extérieur, il y a des lavabos avec eau au robinet (froide uniquement bien sûr, et c’était toujours vrai il n’y a pas si longtemps!).

Peut-on imaginer qu’un bataillon tenait dans un bâtiment où plus tard on ne mettra qu’une compagnie et aujourd’hui une section ! 

laval caserne

On aura alors des sonneries qui règleront la vie journalière dans les casernes: 

Le réveil

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Le clairon de service se tient au centre du quartier et sonne dans les quatre points cardinaux.

Les sergents de semaine se précipitent dans les chambrées (en général une section - 40 hommes- par pièce) pour secouer les retardataires et les caporaux de semaine emmènent les préposés des chambrées pour percevoir le café auprès des cuisines.

Au retour dans la chambrée, un « Au jus là d’dans ! » fait sortir les « quarts » (tasse en fer d’environ un quart de litre en dotation individuelle). Pain et accompagnement ont été perçus la veille au soir (suivant les jours, l’humeur du cuistot, ou les finances de l’ordinaire : morceau de fromage, sardine à l’huile, pâté, voir simple carré de chocolat). Tout en buvant le café chacun plie draps et couverture (disposition particulière permettant de voir d’un coup d’œil s’il ne manque pas une pièce) et l’homme de service balaie !

(Le petit journal illustré de juillet 1912clairon petit journal 1912)

Le rassemblement

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Tous se précipitent, chaque section se rassemble devant le bâtiment de la compagnie.

L’appel

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L’adjudant de compagnie vérifie les présents et demande justification des absents au sous- officier « le plus ancien dans le grade le plus élevé » qui est l’adjoint du Chef de Section.

La visite

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Elle est est sonnée sur demande du Médecin-Chef quand les infirmiers ont rejoint le bâtiment de l’Infirmerie. Les malades s’y rendent avec l’autorisation de l’adjudant de compagnie car il faut prévenir le chef comptable de la position de chaque homme (en compagnie, en permission, malade au quartier ou à l’hôpital).

Jusqu’à présent, nous n’avons pas vu d’officier ! L’officier de jour de la compagnie arrive et se fait présenter celle-ci par l’adjudant de compagnie. Les compagnies se dirigent vers la place centrale de la caserne et se mettent en place pour les couleurs.

Voici le Capitaine adjudant-major du bataillon de service. Il va diriger le salut aux couleurs si aucun autre officier supérieur n’est présent. Après cette cérémonie, il demandera à une compagnie de rester sur place et enverra les autres au travail ! L’adjudant de la compagnie désignée doit présenter l’état des effectifs de la compagnie sur les rangs et gare s’il y a erreur !

Qui est ce capitaine adjudant-major?

Les régiments sont organisés en bataillons, les bataillons en compagnies et les compagnies en sections. Cette organisation sert de base pour la répartition des tâches entre les unités : garde du quartier, des punis, piquets d’alerte Incendie ou Intervention, service de l’ordinaire (corvées de « pluches ! » et nettoyage des cuisines) entretien du quartier. Le service est pris à tour de rôle par les bataillons. Le Chef de bataillon désigne une compagnie de semaine et le Commandant de compagnie une section de jour ! De même que le Colonel dispose d’officiers pour son état-major et les services régimentaires, le chef de bataillon a un capitaine comme adjoint et un petit groupe d’hommes dirigés par un sous-officier: secrétaire, clairon, téléphoniste/vélocipédiste etc. ... Lorsque le bataillon prend le service du corps le Capitaine devient le Capitaine adjudant major (Chef du Service général). Entre autres, il dispose du clairon du bataillon et de celui de la compagnie de jour !

L'appel des cadres de service

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En cas de besoin particulier, le Capitaine adjudant major pouvait faire appeler un ou plusieurs sergents de semaine ou des caporaux. Le colonel ou des Officiers supérieurs pouvaient lui demander de convoquer les officiers (tous ou ceux d’une compagnie particulière). Le clairon sonnait pour ces appels.

Le courrier 

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Au quartier comme en campagne, le vaguemestre percevait le courrier du régiment. La distribution était faite dans les compagnies, souvent au rassemblement avant les repas. Le vaguemestre faisait donc convoquer les sergents de semaine à son bureau pour leur remettre le courrier de leur compagnie.

Le repas

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Les capitaines, commandant les compagnies du Bataillon de Service, prennent à tour de rôle et pour trois mois la responsabilité d’officier d’ordinaire. Le capitaine responsable passe les marchés des « petits vivres » (vivres fraîches pain fruits légumes, viandes etc.) et assure la surveillance de la qualité des marchandises livrées. Le marché est basé sur la durée de responsabilité du capitaine. Le suivant à son tour passera les nouveaux marchés pour trois mois.

Ce système perdurera jusque les années 1955-56. On peut penser que la durée des marchés est toujours basée sur ce système alors qu’aujourd’hui les officiers d’ordinaire sont des spécialistes qui restent en place beaucoup plus longtemps.

Lorsque le repas sonne on arrête le travail. Dans chaque chambrée deux hommes sont désignés pour se rendre aux cuisines avec le caporal de semaine pour percevoir le repas qui est servi dans des bouteillons et la boisson, le « pinard » généralement servi dans un broc (un quart par homme et par repas). Il n’y a pas de réfectoire; on mange dans la chambrée (il y a parfois des tables ou des planches posées entre les lits !)

Sitôt terminé, chacun refait son lit (Au carré ! les bords des couvertures sont repliés pour donner un aspect angulaire net; il faut donc refaire le lit pour y dormir !) nettoie sa gamelle, couvert et quart et les désignés de service balaient! La reprise du travail se fera soit à la sonnerie de rassemblement soit à la sonnerie de fin de sieste, pour les unités stationnées dans les pays chauds où la sieste est obligatoire pendant les périodes d’été. La sonnerie du repas arrêtera le travail en fin d’après-midi.

La relève de la garde

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A l’heure prévue, généralement après le repas du soir, le Sergent de la garde montante fournie par la compagnie de jour, rassemble ses hommes devant le bâtiment de la compagnie et passe l’inspection: tenue, arme.

Clairon de la compagnie en-tête et sonnant « aux champs en marchant », la garde se rend, l’arme sur l’épaule, vers le poste de garde où la garde descendante alignée l’attend mais aussi le sous –officier supérieur de permanence au service général quand ce n’est pas le Capitaine Adjudant-major en personne. La garde montante est inspectée. Les deux gardes se présentent alors les armes. Les ordres réglementaires sont donnés: « Les sergents aux consignes, les caporaux aux relèves ! »

Les deux caporaux vont faire le tour des postes à relever et procèdent aux changements de sentinelles suivant un protocole bien réglé : A droite, droite, Présentez Arme, Reposez arme, Un pas à droite, droite, Un pas en avant, marche, demi-tour à droite, Présentez arme. La sentinelle relevée reste dans cette position jusqu’au départ des autres sentinelles emmenées par les deux caporaux. Quand la tournée est terminée les sentinelles relevées rejoignent la garde descendante devant le poste de garde et attendent leur sergent et le clairon pour quitter le service au pas cadencé, l’arme sur l’épaule jusqu’à leur cantonnement au son de « la retraite du soir ».

Le passage des consignes entre sergents consiste essentiellement à vérifier les locaux et notamment ceux des punis.

L’appel des punis

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Les punis aux arrêts sont enfermés et ont été contrôlés par les sergents à la relève. L’appel concerne donc ceux qui sont punis de consigne. Ils suivent le travail et l’instruction dans la journée; le soir ils rejoignent les locaux disciplinaires lorsque retentit l’appel des punis.

L’extinction des feux

Autrefois cette sonnerie imposait l’extinction réelle des feux de chauffage et d’éclairage par crainte des incendies si ces feux n’étaient pas gardés dans la nuit. Elle indique l’extinction des lumières et donc le sommeil des troupes.

Commencez le feu/Cessez le feu

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Cette sonnerie servait en temps de paix pour les séances au champ de tir (on ne connaissait pas encore le stand de tir couvert). C’était généralement un espace ouvert avec une butte élevée destinée à arrêter les projectiles tirés sur les cibles plantées au pied de la butte. Les unités y allaient à pied.

Avant la séance de tir, le clairon de la compagnie montait sur la butte et sonnait le garde à vous dans les quatre directions principales puis il sonnait « Commencez le feu ». A la fin du tir, généralement en fin de journée, il remontait sur la butte et sonnait le Cessez le Feu et la Marche de retraite du soir.

Si la compagnie devait traverser la ville pour se rendre ou pour revenir du champ de tir, le règlement imposait que ce soit fait l’arme sur l’épaule, les clairons et tambours sonnant ! Sans doute une survivance réglementaire du Cavalquet des origines !

Le Garde à vous et le ban

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Ces sonneries ont été utilisées très tôt en une sorte de cérémonial pour annoncer des nouvelles importantes à l’ensemble d’une troupe. Le garde à vous était une sorte de préavis (attention, vous allez recevoir un ordre!) Le ban indique l’ouverture et la fermeture d’un moment particulier (un peu comme le marteau qui indique le début et la fin d’une réunion où les propos importants des participants seront notés pour être archivés).

Cela peut paraître étonnant mais, bien longtemps après l’invention du téléphone, son installation dans les casernes n’était pas développée. Le colonel et le chef des services administratifs avaient parfois un téléphone de l’administration des PTT (Postes, Télégraphe et Téléphone). Les autres services avaient parfois un téléphone de campagne relié à un central de même type. Mais ils étaient les seuls. On comprend alors l’intérêt des sonneries au clairon qui, en plus, pouvaient toucher quelqu’un quel que soit son lieu de travail dans le quartier (comme un téléphone portable aujourd’hui).

Et comme les cloches de l’église animaient le village, les tambours et clairons mettaient un peu d’ambiance dans les casernes!

 

En manœuvre ou en campagne, autrefois, il y avait des ordres nombreux et variés pour faire se déplacer les unités, passer de la colonne à la ligne, marcher au pas puis au pas de charge, se mettre en position de tireur debout, à genoux ou couché etc. Les unités manœuvraient groupées.

A partir de la 1ère Guerre mondiale, la plupart de ces ordres ne furent plus d’utilité et disparurent.

Au cours de la seconde guerre mondiale les unités commencent à manœuvrer isolées et des moyens radioélectriques sont mis à la disposition de toutes les unités y compris dans les sections et les groupes de combat.

Au combat, la céleustique ne sera plus qu’«orale».

Aujourd’hui le combat a changé totalement d’aspect avec les combats «  insurrectionnels »; l’insécurité des arrières oblige tous les militaires à connaitre les règles du combat à pied. Le spécialiste « fantassin » sera, certes, équipé de moyens spécifiques tels les équipements « FELIN » mais tous les autres se doivent aussi d’être en mesure de faire face à une attaque brutale et rapide.

La cohésion du groupe attaqué et le geste réflexe du combattant sont tragiquement dépendant de la compréhension rapide des ordres oraux. Ceux-ci doivent donc être codifiés et connus de tous. Quelle que soit la spécialité choisie, la formation de combattant à pied pour tous les militaires est la première nécessité du métier et donc la « céleustique orale » est à enseigner et maintenir avec rigueur !

La « céleustique  musicale » durera aussi longtemps que des unités maintiendront les traditions de la vie au quartier et tant qu’il y aura des cérémonies officielles:

  • Toutes les sonneries « d’honneur », comme autrefois, saluent l’arrivée des autorités.
  • Le « garde à vous » conserve son sens premier : attention vous allez recevoir un autre ordre.
  • « Au drapeau » reste le symbole du regroupement de tous au service de la nation.
  • « Ouvrez / Fermez le ban » conserve son sens premier, celui de l’annonce d’un ordre du jour ou de citation ou de récompense.
  • Et la « sonnerie aux morts » conservera longtemps son sens de la grandeur du sacrifice pour la Patrie.

Encore faudrait-il faire un effort pour former quelques clairons et tambours dont la « sonnerie » réelle rend une authenticité au signal, autrement plus symbolique que celui envoyé par un disque sur haut-parleur !